La convalescence du cheval

Comment cela se passe ? Et bien voyez-vous je n’écris cet article que maintenant car j’avais un peu peur de parler de l’accident de Hardy qui est survenu de manière inattendue. Bref, Hardy, il y a quelques semaines, a été retrouvé dans son boxe en train de baver et dans un état prostré.

Le vétérinaire, le Dr Borioli, est venu en urgence. Il a traité une obstruction due à un granulé. Hélas, Hardy avait également une oreille qui couinait quand il mâchait, comme si un petit oiseau piaillait à l’intérieur… Il a été décidé de prévoir une hospitalisation dès le lendemain et comme disait le Dr Borioli: en 39 ans, jamais vu un truc pareil.

En clinique à Berne on lui a passé une caméra par le nez et on a découvert un gros hématome. Le scanner a confirmé par la suite une fracture du crâne. Alors là ça devient compliqué à comprendre car vous me direz mais alors comment il a fait ça ? Et bien le crâne d’un cheval, en-dessous de l’oreille, sous le cerveau quoi, c’est comme de l’os un peu feuilleté, ce n’est pas comme un tibia quoi. Mon cheval avait une légère dégénérescence de cette partie qui s’est développée au fil des années sans le gêner. Au scanner, la partie droite et la partie gauche ne se ressemblant pas du tout (alors qu’à la base ça devrait être symétrique). Ainsi, il a dû se taper très fort à quelque part et ça a cassé. La douleur l’a empêché de bien mâcher et il a fait une obstruction de l’oesophage.

L’annonce de la fracture a été rude à encaisser car cela signifiait que mon Dydys (son surnom) n’allait plus aller aux concours et peut-être même qu’il n’allait pas guérir du tout, peut-être qu’il allait mourir ?.Mais ça, c’était sans compter sur les vétos et la médecine vétérinaire actuelle. Il a été décidé de laisser à Dydys un temps de récupération de quelques jours puis de l’opérer en enlevant 5 cm d’os de la langue. Bon là je sens que, cher lecteur, t’as décroché ;-). En fait, la langue d’un cheval est composée d’os et en enlevant un bout d’os ça permettait qu’il n’y ait plus de frottements sur l’os fracturé. Je raconte ça pas en détails ok. Le Dr Christian Struchen, appelé entre deux avions, a également conseillé l’opération bien que ce cas précis il ne l’avait jamais vu de sa carrière. Alors chaque jour, je suis allée rendre visite à Dydys et je lui ai donné trois pommes que je coupais en petits morceaux car il ne pouvait pas mâcher. Je l’ai marché dans la cour 20 minutes quotidiennement et il s’arrêtait parfois pour humer l’air et sentir le picotement du froid sur son poil. Les vétos étaient très gentils avec lui et il était surveillé de très près.

Après une semaine il a hélas fait une grosse crise neurologique où l’hématome a pressé sur ses nerfs et il s’est mis à trembler puis à perdre le contrôle de ses jambes. Il s’est écrasé au sol, s’est relevé, écrasé contre le mur, plusieurs fois. La scène a été horrible et après plusieurs minutes le personnel est arrivé. Il a été décidé de transférer Dydys en box de contention afin qu’il ne se blesse pas. C’est un box matelassé sur les côtés et même au sol. Là, les vétérinaires ont dit qu’il a allait peut-être pas passer la nuit car la situation était grave.

Or, le lendemain, Dydys était toujours là ! Le chirurgien, le Dr Michael Klopfenstein a pris la décision d’opérer malgré l’état instable mais selon lui le cas de Dydys nécessitait de faire quelque chose rapidement même si le risque lié à la narcose était un peu plus élevé chez lui et même s’il risquait de mal supporter le réveil après l’opération mais l’opération s’est bien passée et vous le croyez ou pas mais mon cheval s’est totalement remis ! Alors il a un oeil qui s’ouvre pas autant que l’autre et qui a dû être cousu en prévention pendant deux semaines et j’avais ainsi un cheval borgne à l’écurie avec des fils comme Frankenstein et avec un petit tuyau qui lui rentrait dans l’oeil.

Il a été très bien soigné notamment par Philipe Monard le gérant de l’écurie du Maley qui lui a administré par cathéter toutes les 6 heures un antibiotique dans l’oeil (donc à 4 heures du matin…). Mais il s’est remis de manière quasi totale ! Yeah !

C’est ainsi qu’au contrôle à la clinique les vétérinaires étaient hyper heureux de le voir si bien et ils sont venus prendre des photos de lui avec leur i-phone et en laissant de côté un petit moment les patients souffrant de coliques hahaha. On m’a dit c’est ok pour le remonter et j’y croyais juste trop pas. Après deux semaines, la Dresse Anna Schneider a enlevé le cathéter qui allait dans l’oeil et on a enfin pu arrêter de lui donner les antibios.

Et oui, j’ai pu remonter en balade d’abord puis ensuite un peu au trot. Hardy de Bonnefontaine est devenu toujours plus joyeux et même un jour il a éjecté ma maman en promenade. Elle a fait un petit vol plané pas planant et s’est réceptionnée… sur le dos. Ainsi c’était reparti pour un mois de jérémiades où elle se tenait le bas du dos en marchant genre la femme enceinte de 15 mois. Evidement comme Dydys, elle a une santé d’enfer et elle s’est remise encore plus pimpante qu’avant. Par contre il a fallu remonter Dydys de manière plus sportive pour apaiser toute cette énergie qui remontait en lui ;-). Mon petit gars le Club Med c’est fini ! A l’heure actuelle, je peux le travailler une quinzaine de minutes, soit une séance de 45 à 50 minutes environ. L’accident est arrivé il y a bientôt trois mois. On compte deux mois pour qu’une fracture se remette donc là on est bon. Il s’agit maintenant de juger de son état et de le remettre au travail complètement et je l’espère de tout coeur au saut d’obstacles ! En début d’année on était dans les startings blocks pour débuter les épreuves 130/135 et cet accident ça a bouleversé tous les plans car je me retrouve avec deux jeunes chevaux de 6 et 7 ans. Il y a juste une chose dont je suis sûre c’est que j’aime mon cheval et que j’étais prête à tout pour lui, même à renoncer à la compétition. Il m’a dit à sa manière qu’il était heureux que j’aie été là et que je n’aie pas perdu espoir. Il a été reconnaissant et s’est montré extrêmement câlin. Il pouvait passer des heures à rester avec sa tête si lourde posée sur mon épaule. Maintenant qu’il va mieux il a repris son comportement de grand seigneur et se laisse moins poupougner (pour les francophones de France, poupougner est un mot inventé par les Suisses du bas du Jura, vu qu’on parle ni bien le français ni bien l’allemand).

Moi je dis, c’est le cheval qui m’a amené à faire de la compétition et ce n’est pas la compétition qui m’a amené au cheval. C’est ma relation avec le cheval qui me donne envie de progresser et d’aller aux concours. Retourner en piste avec Dydys c’est notre objectif parce que j’ai la certitude que même lui il veut en découdre et aller faire le fier en public. J’ai beaucoup de respect pour mon cheval qui s’est montré courageux et digne alors qu’il souffrait beaucoup et en arrivant chaque jour à l’écurie et voir sa grande tête avec sa grosse liste blanche ça me fait tant de bonheur car le box aurait pu être vide et Dydys ne jamais revenir…

Ci-dessus vous pouvez voir l’os de la langue qui lui a été retiré. Le chirurgien l’a conservé dans son bureau car ce n’est pas banal.